L’apport du droit au bail à la société était nul
Le preneur ne peut se passer de l’accord du bailleur pour apporter son droit au bail.
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L’histoire
Le 14 juin 1989, Anne avait donné à bail à long terme à Louis diverses parcelles d’herbage. Après de nombreuses années d’exploitation, sans aucun incident, Anne, par acte du 27 juin 2019, avait donné congé à Louis pour le 31 décembre 2020, au motif qu’il avait atteint l’âge de la retraite. Louis qui n’entendait pas arrêter toute activité, avait signifié à Anne l’apport de son droit au bail à la société civile d’exploitation agricole Les Buissons (la SCEA), en invoquant une clause manuscrite insérée dans le bail.
Le contentieux
Aucune des parties ne pouvait se satisfaire de cette situation. Aussi Louis avait-il contesté le congé devant le tribunal paritaire des baux ruraux. Quant à Anne, elle avait demandé au tribunal de prononcer la résiliation du bail pour cession prohibée. La question posée aux juges était celle de savoir si la clause insérée dans le bail permettait à Louis d’apporter son droit au bail à la SCEA.
La clause était ainsi rédigée : « conformément aux dispositions de l’article L. 411-38 du code rural, le preneur pourra faire apport de son droit au bail à une société agricole, le bailleur donnant d’ores et déjà son accord pour l’apport par le preneur à une société ». Cette clause manuscrite ajoutée au bas de l’acte du 14 juin 1989 était-elle suffisante pour permettre à Louis, parvenu à l’âge de la retraite, de céder son droit au bail à la société Les Buissons ?
Le statut du fermage prohibe toute cession du bail en vertu de l’article L. 411-35 du code rural, sauf dans le cadre d’une opération familiale. Bien plus, l’article L. 411-38, alinéa 1er du même code précise que le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société civile d’exploitation agricole qu’avec l’agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier. À défaut, l’apport s’assimile à une cession prohibée susceptible d’emporter la résiliation du bail.
La clause insérée dans le bail comportait bien en l’espèce l’accord personnel du bailleur. Pourtant ni le tribunal, ni la cour d’appel n’avaient été convaincus. Saisie par Louis, la haute juridiction n’a pu que confirmer la solution. La clause selon laquelle le bailleur donne son accord pour l’apport par le preneur de son droit à une société, sans aucune identification du bénéficiaire de cette autorisation, est réputée non écrite.
L’épilogue
La solution est sévère. La SCEA ne pourra pas poursuivre le bail consenti à Louis et ce dernier, atteint par la limite d’âge, devra quitter l’exploitation. On retiendra de cette histoire qu’une clause du bail, par laquelle le bailleur donne d’ores et déjà son accord pour l’apport par le preneur de son droit à une société, ne suffit pas, à elle seule, à caractériser une manifestation claire et non équivoque de celui-ci à la cession.
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